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"Les droits fondamentaux constituent-ils un frein ou un moteur de l’intégration européenne ? ",



Résumé

Si le transfert de la notion constitutionnelle de droit fondamental dans l’ordre juridique communautaire a été effectué aux fins de renforcement de celui-ci, il se trouve, pourtant, à la source de nouvelles difficultés.

Les droits fondamentaux ne sont, en effet, pas une notion neutre. À l’origine du premier conflit entre droit constitutionnel national et droit de l’intégration, ils restent largement au centre des questions entre Cour de justice et juges constitutionnels nationaux.

Les droits fondamentaux sont traditionnellement liés à l’État pour leur établissement et leur garantie. Ils sont l’expression d’une société et de ses valeurs. Sur ces différents points, des valeurs et de leur protection, l’Union interfère avec la figure de l’État sans pour autant en prendre les habits comme l’atteste la problématique de l’adhésion à la Convention EDH.

Surtout, la Cour de justice consacre, dès l’abord, la dualité de la notion, entre droit constitutionnel et droit européen. Cette dualité, qu’on le veuille ou non, caractérise dorénavant les droits fondamentaux dans l’Union, … en attendant les droits de la CEDH, une fois l’adhésion réalisée.

Au rythme de la progression de l’intégration, les contestations se sont métamorphosées sans perdre de leur intensité : choix du niveau de protection, juges compétents, hiérarchie entre ordres juridiques, identité de l’Union, identité constitutionnelle de chaque État, dans leurs diversités, identité nationale, clause d’equal protection…

À l’instar de leurs homologues constitutionnels, les droits fondamentaux européens, fondements, cœur et finalité de l’ordre juridique, se trouvent désormais au sommet de celui-ci. Les droits fondamentaux irriguent désormais l’intégralité de l’ordre juridique de l’Union, accompagnant et même se substituant au marché dans la définition de l’identité européenne, et modifiant, par là même, son paradigme. 


Abstract

Although the transfer of the constitutional concept of fundamental rights to the Community legal order was carried out with the aim of strengthening it, it is nevertheless the source of new difficulties.

Fundamental rights are not a neutral concept. They were the source of the first conflict between national constitutional law and integration law. They are still at the centre of the issues between the Court of Justice and national constitutional Courts.

Fundamental rights are traditionally linked to the State for their establishment and guarantee. Secondly, they are the expression of a society and its values. On these different points, the European Union interferes with the figure of the State without taking on the clothes of the State, as shown by the problem of accession to the ECHR.
Above all, the Court of Justice enshrined the duality of the concept, between constitutional law and European law. This duality, whether we like it or not, characterises fundamental rights in the Union, ... while awaiting the rights of the ECHR, once accession achieved.

As integration progressed, the challenges changed without losing their intensity: choice of the level of protection, competent judges, hierarchy between legal orders, identity of the Union, constitutional identity of each State, in their diversity, national identity, equal protection clause, etc.

Like their constitutional counterparts, European fundamental rights are the foundations, the heart and the purpose of the legal order: they are now at the top of it. Fundamental rights now permeate the entire legal order of the Union, with and even in place of the market in the definition of the European identity, and thereby modifying its paradigm. 

As integration progressed, the challenges changed without losing their intensity: choice of the level of protection, competent judges, hierarchy between legal orders, identity of the Union, constitutional identity of each State, in their diversity, national identity, equal protection clause, etc.

Like their constitutional counterparts, European fundamental rights are the foundations, the heart and the purpose of the legal order: they are now at the top of it. Fundamental rights now permeate the entire legal order of the Union, with and even in place of the market in the definition of the European identity, and thereby modifying its paradigm.

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En indiquant que « le droit du traité issu d’une source autonome, ne pourrait, en raison de sa nature, se voir judiciairement opposer des règles de droit quelles qu’elles soient, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ; (…) dès lors, l’invocation d’atteintes portées, soit aux droits fondamentaux, tels qu’ils sont formulés par la Constitution d’un État membre, soit aux principes d’une structure constitutionnelle nationale, ne saurait affecter la validité d’un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État ; qu’(…) il convient toutefois d’examiner si aucune garantie analogue inhérente au droit communautaire n’aurait été été méconnue ; en effet, le respect des droits fonda- mentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le respect », l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft illustrait les liens – complexes – qui se nouaient, dès l’abord, entre intégration et droits fondamentaux.

La Cour usait en effet d’une terminologie constitutionnelle, qui, jusque alors, ne dépassait pas les conclusions de ses avocats généraux, et qu’elle devait développer ensuite plus largement. Il est vrai que dans le domaine de la protection des « droits fondamentaux de l’individu », « l’inadapta- tion du droit international au droit communautaire » ne pouvait qu’être constatée et incliner la jurisprudence vers le modèle constitutionnel, mieux adapté aux particularités et développements de l’intégration.

Si le transfert de la notion constitutionnelle de droit fondamental dans l’ordre juridique communautaire était effectué aux fins de renforce- ment de celui-ci, il se trouve, pourtant, à n’en pas douter, à la source de nouvelles difficultés.

Les droits fondamentaux ne sont, en effet, pas une notion neutre. À l’origine du premier conflit entre droit constitutionnel national et droit de l’intégration, ils restent largement au centre des questions entre Cour de justice et juges constitutionnels nationaux.

Les droits fondamentaux sont, d’abord, traditionnellement liés à l’État pour leur établissement et leur garantie. Ils sont ensuite l’expression d’une société et de ses valeurs. Sur ces différents points, des valeurs et de leur protection, l’Union interfère avec la figure de l’État sans pour autant en prendre les habits comme l’atteste la problématique de l’adhésion à la Convention EDH.

Surtout, la jurisprudence Internationale Handelsgesellschaft consacre,

dès l’abord, la dualité de la notion, entre droit constitutionnel et droit

européen. Cette dualité, qu’on le veuille ou non, caractérise dorénavant les droits fondamentaux dans l’Union, elle est d’ailleurs consacrée par la Cour de justice comme par la Charte,… en attendant les droits de la CEDH, une fois l’adhésion réalisée.

Au rythme de la progression de l’intégration, les contestations se sont métamorphosées sans perdre de leur intensité : choix du niveau de protection, juges compétents, hiérarchie entre ordres juridiques, iden- tité de l’Union, identité constitutionnelle de chaque État, dans leurs diversités, identité nationale, clause d’equal protection… La liste de ces tensions entre intégration et droits fondamentaux (I) n’est certainement pas exhaustive non plus que définitive. Certaines mettent à mal le prin- cipe d’homogénéité constitutionnelle, ciment de l’intégration et socle de l’Union, à ce titre protégé par le traité et par la Cour de justice.

Pourtant, la notion – constitutionnelle ou européenne – de droit fondamental garde nécessairement la même finalité. Elle s’inscrit dans des ordres juridiques animés par la même préoccupation : la protection de l’individu. Il s’agit d’une caractéristique de l’ordre juridique de l’Union qui le différencie du droit international. Dès l’arrêt Van Gend en Loos, en appui à l’effet direct, la Cour de justice n’a -t-elle pas indiqué que « l’objectif du traité CEE qui est d’instituer un marché commun dont le

fonctionnement concerne directement les justiciables de la Communauté, implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les États contractants(…) ; le droit communau- taire, indépendant de la législation des États membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ». Les droits tirés du droit de l’Union doivent être protégés et tout particulièrement, en application de l’effet direct, par les juridictions nationales. A fortiori, dès lors que l’Union bénéficie d’un transfert de compétences qui fonde son pouvoir de décision, ce transfert doit s’accompagner d’un transfert de la protection juridiction- nelle contre les actes de l’Union. Plus largement, dès lors que les États se trouvent dans le champ d’application du droit de l’Union, leurs actes natio- naux se trouvent soumis au respect des droits fondamentaux européens.

Cette attention aux personnes privées a pris une dimension supplé- mentaire avec le traité de Lisbonne : elle se retrouve notamment dans l’arrêt Wightman et s’appuie dorénavant sur un tryptique effet direct, droits fondamentaux et citoyenneté de l’Union. Les droits du justiciable doivent ainsi être protégés aussi bien contre le droit de l’Union que contre le droit national.

À l’instar de leurs homologues constitutionnels, les droits fondamen- taux européens, fondements, « cœur » et finalité de l’ordre juridique, se trouvent désormais au sommet de celui-ci. Annonciateur des articles 2 et 6 TUE comme de la Charte, l’arrêt Kadi, prononcé entre la signature du traité de Lisbonne et son entrée en vigueur, en fournit une des premières illustrations. Les droits fondamentaux, à travers les valeurs de l’Union, irriguent désormais l’intégralité de la structure, des procédures et de l’ordre juridique européen, accompagnant et même se substituant au marché dans la définition de l’identité européenne, modifiant, par là même, son paradigme (II).

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Colloque de présentation de l'ouvrage "Droits fondamentaux et intégration européenne. Bilan et perspectives de l'Union européenne"
 

 

 


 


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