Dans cette logique, le projet présenté vise à étudier ce qui pourrait être une mutation, celle de la notion de Constitution et de droit constitutionnel sous l’influence du droit de l’Union européenne, voire de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il s’inscrit dans une recherche déjà entamée par ailleurs en liaison avec des spécialistes d’autres disciplines, notamment le droit constitutionnel, et dans une perspective de droit comparé, et qui a conduit à diverses publications dont une étude globale et collective publiée au volume VI de l’Annuaire de Droit Européen consacrée au droit constitutionnel européen (Bruylant, 2011) ainsi que la participation au Traité des rapports entre ordres juridiques (B. Bonnet, dir°), LGDJ, 2016, sur le thème « Faire émerger une nouvelle discipline, Peut-il exister un droit constitutionnel européen ? ».
Si la constitutionnalisation du droit de l’Union a pu être mise en lumière dès les années 1980-90, notamment avec l’arrêt Les Verts et l’avis 1/91 de la Cour de justice, le mouvement ne s’est pas arrêté et a pris une nouvelle ampleur au cours de la première décennie des années 2000, consacrant, peut-être le passage à une nouvelle ère. Les matériaux de réflexion ont pu ainsi s’accumuler et permettre le début d’une théorisation scientifique.
Ainsi, la théorisation de ce que l’on appellera le droit constitutionnel européen, entendu comme discipline autonome et transversale, traduisant les relations constitutionnelles qui se nouent entre le droit constitutionnel de l’Union et les droits constitutionnels nationaux est dorénavant envisageable.
L’étude se déclinera en trois temps :
I- Le droit constitutionnel de l’Union
L’existence d’un droit constitutionnel peut être placée au rang des caractéristiques de l’Union. Mais existe-t-il vraiment un droit constitutionnel de l’Union ? et celui-ci serait-il un droit constitutionnel dont les caractéristiques reflètent celles de l’Union européenne ?
Le premier thème à aborder est donc celui de l’existence d’un droit constitutionnel de l’Union, et de ses particularités, car sans Constitution et sans Etat (par exemple, quid alors du pouvoir constituant ?). Rattachée à ces réflexions, peut être abordée la question de la concurrence apportée au droit constitutionnel par des thèmes voisins comme ceux de la gouvernance et de la régulation.
Néanmoins, quelle que soit sa particularité de départ, on retrouve dans le droit constitutionnel de l’Union les grands thèmes de la discipline, comme la démocratie, voire la trilogie composant les axes du droit constitutionnel moderne, à savoir la question des pouvoirs des institutions, celle de la répartition des compétences (entre l’Union et ses Etats membres) et enfin celle des droits fondamentaux.
Il nous semble que, dans la période actuelle, il convient d’attribuer une place à part dans notre étude à la protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne.
La période nous paraît propice à mener une réflexion sur la jurisprudence de la Cour de justice sur la Charte des droits fondamentaux et son articulation avec les protections nationales et la Convention Européenne des droits de l’Homme.
Sera développée une réflexion d’ensemble conduisant à un colloque sur le thème de cette articulation.
II- L’influence de l’Europe sur les droits constitutionnels nationaux.
Cette influence a été consacrée par les textes fondateurs de l’Union et également dans les Constitutions nationales.
Le terme d’appartenance a été ainsi évoqué par le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le traité de Lisbonne fait une place à part à ses Etats membres et aux relations entretenues avec l’Union. Ainsi, l’article 4§2 TUE énonce les droits et règles de comportement des Etats et de l’Union. On peut d’ailleurs constater que cette disposition apparaît progressivement dans la jurisprudence de la CJUE relative à la primauté et/ou aux structures étatiques. Symétriquement à cette montée en puissance de la notion d’appartenance, et à la définition d’une identité européenne de l’Etat membre, se dessine aussi une conception identitaire de l’Etat avec la réaffirmation du respect de l’identité nationale (ou constitutionnelle) des Etats membres.
Réciproquement, la participation ou l’appartenance des Etats à l’Union européenne se trouvent affirmées dans les textes constitutionnels nationaux, comme l’article 88-1 de la Constitution française.
Cette participation entraîne inévitablement un certain nombre de conséquences sur les droits constitutionnels nationaux.
L’influence au fond sur les Constitutions nationales peut elle-même être détaillée. On ne mentionnera ici de manière large que l’influence sur les structures de l’Etat (Etat unitaire, fédéral, régionalisé), sur les valeurs de l’Etat et enfin sur le fonctionnement institutionnel national.
Pour entamer cette étude, le point de départ sera l’organisation d’un travail collectif sur la Constitution européenne de la France que l’on pourrait ensuite élargir aux autres Etats membres.
III- L’existence d’un droit constitutionnel européen
A côté du droit constitutionnel de l’Union et de l’influence européenne sur les constitutions nationales, et sur la base de ceux-ci, peut être dégagée la notion de droit constitutionnel européen. Le croisement de la réalité, de l’inadéquation des catégories existantes, conduit à penser que le moment est approprié pour tenter une esquisse de théorie du droit constitutionnel européen. Le postulat de départ est alors que cette notion se superpose au droit constitutionnel de l’Union comme aux droits constitutionnels nationaux.
Dans une première approche, qu’il conviendra de discuter pour la confirmer ou l’infirmer, le droit constitutionnel européen apparaît moins comme le résultat de l’éclatement d’un droit et d’une discipline, que comme la conséquence d’un regroupement de droits et de disciplines, qui, pour autant, gardent leur existence et leur identité. Dans cette logique, la question de l’émergence d’une nouvelle discipline n’est sans doute pas propre au droit constitutionnel européen, témoignage de l’évolution de la société.
Pourtant, le deuxième postulat posé par le sujet est que ce droit constitutionnel européen est unique, sans doute unifié par référence à son qualificatif d’européen, à moins que ce soit par référence au qualificatif de « constitutionnel ». Ce qui fait ou a permis ce droit constitutionnel ce sont les relations qu’ont tissées les droits constitutionnels nationaux avec le droit de l’Union européenne.
Le troisième postulat enfin réside dans l’interrogation sur la possibilité de sa définition unique et sans doute commune. Il faut donc définir mais aussi trouver une définition qui pourrait être partagée par les droits européens et nationaux. En effet, le propre du droit constitutionnel européen est qu’il englobe ceux-ci, impliquant autant de logiques que de droits.
Des ateliers de réflexions sur ces dernières thématiques seront mis en place.